Au sommet d’une colline du Val de Rombach-le-Franc, se dressait un chêne majestueux, si vieux que le tronc en était devenu complètement creux. Cet arbre vénérable, appelé le Chêne- Creux, avait fini, tant il faisait partie du paysage, par donner son nom à tous les pâturages d’alentour.
C’est à son pied que vint, un soir, se coucher un garçon du Val de Villé parti à la conquête du vaste monde, avec un compagnon, pour y chercher la richesse. Mais que notre ami s’arrêtait là, en pensant qu’il avait bien le temps,que dame Fortune viendrait plutôt à lui,que luirait à elle, son compagnon, ne l’entendant pas de cette oreille, avait continué son chemin.
Notre philosophe s’endormit bientôt du sommeil du juste. Mais il en fut tiré par des frémissements et des bruissements étranges. Alors qu’il se frottait les yeux, il vit arriver, de partout, des femmes chevauchant des manches à balai, et toutes venaient se poser dan la ramure du chêne. Il comprit que des sorcières se réunissaient là pour tenir conseil .Il prêta l’oreille
Voilà mon chef-d’oeuvre, déclara fièrement la lus vieille et la plus laide de ces harpies :j’ai frappé de langueur la fille unique du duc de Lorraine,et aucun médecin ne peut la guérir. Si ces imbéciles savaient : il suffirait de lui donner à manger le coeur d’un poulain blanc, cuit sans sel. Le duc est si désireux de voir sa fille retrouver la santé, qu’il a promis de la donner en mariage à qui la sauverait. Mais il peut toujours attendre!
Quelque temps plus tard, une grande nouvelle parcourut toute la Lorraine : la fille du duc était guéri .Un étranger de passage lui avait donné une potion magique. En reconnaissance, le duc, fidèle à sa promesse, lui avait accordé la main de son enfant. Et, ce qui ne gâtait rien, le mari était, ma foi, joli garçon.
On l’a deviné sans peine, le sauveur, le mari de la jeune duchesse n’était autre que notre compagnon » peu pressé « , lequel avait surpris le secret de la vieille sorcière.
Un jour que notre ¨petit duc¨se promenait avec son épouse, un mendiant s’approcha du carrosse doré des époux et tendit son chapeau crasseux d’une main tremblante. Alors le nouveau seigneur et le pauvre hêtre se reconnurent au premier regard, ils finirent de raconter leurs aventures autour de la table bien garnie du château.
A peine le pauvre hêtre eut il quitté ses hôtes, qu’il courut, c’était son genre ! Se blottir au creux du vieux chêne, dans l’espoir d’y surprendre, lui aussi, quelques secrets bénéfiques. IL était installé la depuis peu de temps lorsque les sorcières revinrent se percher dans l’arbre. Et il entendit l’une d’elle s’écrier, d’une voix rauque de colère.
Mes compagnes, je dois vous dire qu’un espion a percé nos secrets, lors de notre dernier conseil, car la fille du duc est maintenant guérie. Avant tout chose, inspectons les alentours de ce chêne.
Et c’est ainsi que les harpies s’abattirent au pied de l’arbre, y dénichèrent le malheureux, se jetèrent sur lui et le mirent à mort.
Touché par la foudre durant une nuit d’orage, le chêne a été ensuite abattu, mais les sorcières n’ont pas cessé pour autant de fréquenter les lieux. La preuve, on voit encore dans le pré, à l’endroit que recouvraient les branches du chêne, un cercle tracé dans l’herbe par les hôtes du sabbat, et que l’on appelle, un peu partout, rond des sorcières. L’herbe de ces ronds est tantôt desséchée par des pas des danseurs, tantôt plus verte qu’alentour, car on a pris soin de l’engraisser avec la poudre de champignons appelés vesse-de-loup.
Par Gabriel GRAVIER (Légendes d’Alsace)