Quelque 650 bûcherons ont été formés à Sainte-Marie-aux-Mines en cinquante ans.
Un quart d’entre eux ont tenu à être présents hier dans leur ancien établissement pour fêter ce demi-siècle et évoquer quelques souvenirs. « Aujourd’hui, ils sont gâtés, ils ont pléthore de matériel ! » s’exclame Pierre Weber, 86 ans, le premier professeur de bûcheronnage en poste à Sainte-Marie-aux-Mines. A l’ouverture du CAP de bûcheron-ouvrier-sylviculteur (BOS), à la rentrée 1959, il a été détaché de l’administration forestière pour cinq ans afin de mettre en place cette formation : « Il a fallu tout cogiter avec de modestes moyens ». Préférant son poste de chef de district des eaux et forêt, à Metzeral, il n’a pas rempilé, submergé par les difficultés matérielles. Pour toutes les classes, il a démarré avec trois tronçonneuses « des machines souvent malades… Je me tapais toutes les réparations le soir : c’était des temps héroïques ».
« Ils sont toujoursaussi passionnés » Mais « les élèves étaient charmants », précise Pierre Weber, ému aux larmes lors de certaines retrouvailles hier matin. On a évoqué la marmite-thermos préparée par le cuistot de l’internat, posée sur sa remorque personnelle attelée à sa moto, qui permettait de délivrer la tambouille aux élèves sur les chantiers à midi. Une autre époque. Aujourd’hui, les ateliers sont bien fournis, une fendeuse dernier cri (de 6 000 €) vient d’arriver dans l’établissement sainte-marien, chaque élève dispose de sa propre machine et les transports sont beaucoup moins folkloriques…
« Au début des années 1980, on partait en forêt en jeans-baskets » se souvient Christian Jousset, 59 ans, dont 30 en tant que professeur de bûcheronnage : c’est l’aîné du trio d’enseignants de cette spécialité à Sainte-Marie-aux-Mines. Aujourd’hui, tous sont équipés de protections, du casque aux chaussures. « Et puis on n’utilise plus les pneus pour démarrer les feux sur les chantiers… On utilise même de l’huile biologique pour les machines. Nous rendons sensibles les élèves à la forêt dans sa globalité. »
Si les pépinières ou les plantations n’existent plus, on apprend toujours à reconnaître les essences, indispensables afin d’opter pour le mode d’abattage le plus adéquat. « Ce qui a le plus évolué, c’est le rapprochement avec les professionnels » via les stages en entreprises, pas seulement publiques mais aussi privées. Selon Christian Jousset, « les élèves sont peut-être moins concentrés que dans le temps, mais il y a une constante : ils sont toujours aussi passionnés ».
La star des élèves hier c’était François Biero, promotion 1987. Bûcheron communal à Obernai depuis dix ans, il a été sacré en 2003 champion de France de bûcheronnage sportif en individuel et champion d’Europe par équipe deux ans plus tard.
L’appel de la forêt domaniale fut finalement plus fort Parmi les premiers élèves, Hubert Murschel, promotion 1962, a passé toute sa carrière en tant que bûcheron du côté de Ribeauvillé, hormis une parenthèse de sept ans, quand il y avait moins de boulot dans le bois et que la paie ne suivait pas. Mais l’appel de la forêt domaniale fut finalement plus fort.
Aujourd’hui, il reste dubitatif quant à la régénération naturelle. Quand on veut faire du volume, c’est avec le tronc, pas avec les branches, dit-il en substance en conseillant des plantations serrées. Aujourd’hui retraité, il continue à fendre du bois, pour distiller son schnaps, et regrette que la maladie de Lyme, « notre maladie professionnelle », ne puisse être encore combattue par un vaccin en France.
Anne Muller
D N A Édition du Dim 16 mai 2010
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