Forêt « Elle ne doit pas devenir une usine à bois »
Dans la Hardt après le passage d’une abatteuse : « Un vrai gâchis », selon Patrick Bangert, bûcheron. Photo Thierry Gachon
Course au rendement, mécanisation, suppressions d’emplois : les bûcherons y perdent leur santé. La forêt aussi, selon la CFDT.
« C’est un vrai gâchis », s’insurge Patrick Bangert, délégué CFDT des bûcherons, dans une parcelle de la Hardt. Des ornières de 60 cm de profondeur, des tas énormes de branches et de troncs de beau diamètre laissés sur place, des arbres sur pied abîmés par la chute des arbres abattus… « C’est le résultat du passage, le printemps dernier, d’une abatteuse, un engin de 25 tonnes qui écrase le sol, dont le bras de 12 m de long ne dirige pas avec précision l’arbre qui tombe. Avec ces méthodes, contraires au guide de sylviculture de l’ONF, on laisse une forêt en très mauvais état. La régénération naturelle est compromise. Les forestiers, de moins en moins nombreux, ne peuvent plus assurer le suivi de tous les chantiers », explique le bûcheron.
Une abatteuse remplace huit bûcherons. « Pour exploiter la forêt, l’ONF fait de plus en plus appel à la mécanisation et aux entreprises privées où la formation et la sécurité comptent bien moins que le rendement. D’où les dégradations sociales et environnementales. » En déficit, l’ONF veut supprimer 700 postes d’ici 2016, alors que ses effectifs sont passés de 15 000 en 1986 à 9 500 aujourd’hui. Des suppressions qui touchent principalement les gens de terrain, bûcherons et forestiers.
« Les départs à la retraite ne sont plus compensés par des embauches de jeunes. Aujourd’hui, les bûcherons au travail ont en moyenne 45-50 ans : ils sont usés et on leur confie les parcelles inaccessibles aux machines, les plus escarpées et dangereuses. Le nombre d’accidentés du travail et d’invalides est en hausse. Un bûcheron sur 22 décède pendant sa carrière. »
L’organisation du travail a été chamboulée : « Forestiers et bûcherons ne travaillent plus sur un triage, mais sur toute une unité territoriale, beaucoup plus vaste. Ils n’ont plus de vision de proximité. Leur travail est parcellisé : il n’y a plus de polyvalence bûcheronnage-sylviculture. Nous sommes dépossédés de notre travail. L’ONF applique désormais les méthodes managériales de l’industrie. Un désastre humain », dénonce la CFDT.
Le gouvernement demande à l’ONF de produire plus de bois, d’œuvre et de chauffage. La recherche de gains de productivité est omniprésente, au détriment de la protection de la forêt, de l’accueil du public. Avec le risque de surexploitation d’une ressource certes renouvelable, mais pas à l’échelle d’une génération humaine. Une situation que les bûcherons CFDT exposeront ces jours-ci à Philippe Richert, président de la Région Alsace et ministre des Collectivités territoriales.
Au-delà des revendications catégorielles, la question posée par les ouvriers et techniciens de la forêt est celle de l’avenir du patrimoine forestier. Le suicide de 26 forestiers en cinq ans, dont 4 cet été, est révélateur de ce malaise. Ces hommes qui avaient choisi ce métier par amour de la nature ont le sentiment de ne plus pouvoir bien faire leur travail, de ne plus pouvoir laisser aux générations futures une forêt en bon état, productrice de bois certes, mais aussi protectrice de la qualité de l’air, de l’eau, des sols et lieu de ressourcement. Ils ne cessent depuis des mois de lancer des signaux d’alerte : « La forêt ne doit pas devenir une usine à bois. »
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L’avenir de la forêt ? : débat public à Guebwiller
« Quelle forêt pour demain ??? » Forestiers, bûcherons, représentants de l’ONF et des communes forestières en débattront avec le public demain à Guebwiller, lors de la soirée « caméra citoyenne », organisée par le Collectif citoyen, le Café repaire et le groupe Europe Écologie les Verts de Guebwiller. Les professionnels expliqueront les enjeux du démantèlement de l’ONF et de la pression des marchés du bois après la projection de films documentaires, et notamment d’un film réalisé récemment par Télé Doller. Débat public vendredi 30 septembre à 20h, à l’hôtel de l’Ange, 4 rue de la Gare à Guebwiller. Entrée libre.
L’ Alsace le 29/09/2011 par Élisabeth Schulthess
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